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VEILLE PHAROS / SAHEL : Mali - Burkina Faso - 28 mai 2020
 
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Au Mali, le leader anti-corruption Clément Dembélé a été relâché ce dimanche 23 mai après avoir été interrogé par les autorités. Il devra comparaître en juillet pour incitation à la violence suite à la publication d’une vidéo en ligne appelant les forces de sécurité à se révolter. La période est également marquée par la fin du ramadan. A cette occasion, le Cardinal Jean Zerbo a appelé à la libération de Soumaila Cissé, toujours détenu depuis 2 mois, ainsi que de tous les autres otages encore aux mains des djihadistes au Mali. Dans un entretien pour la revue Politique Internationale, le chercheur français Marc Antoine Pérouse de Montclos évoque le sujet de l’islamisation du politique avec le controversé Iman Dicko.
Au Burkina Faso, la période est marquée par la première intervention conjointe entre les forces armées ivoiriennes et burkinabè en Côte d’ivoire dans le cadre de la lutte antiterroriste. Cette intervention témoigne de la possible extension de la menace djihadiste aux pays voisins. Dans le même temps, Human Rights Watch appelle le gouvernement à enquêter sur des exécutions extrajudiciaires menées par des forces de sécurité le 11 mai dernier. Toutes les victimes sont des peuls. Face à l’indignation, le Président Roch Marc Kaboré a promis des sanctions une fois l’enquête terminée. L’ONG rappelle que les exécutions extrajudiciaires risquent d’alimenter les conflits communautaires et alerte sur l’amalgame entre peuls et terroristes. Une étude réalisée par OXFAM et publiée le 25 mai met en avant les conséquences du conflit burkinabé sur les femmes et insiste sur leurs rôles dans la cohésion sociale du pays.

In Mali, the anti-corruption leader Clément Dembélé was released on Sunday 23 May after being questioned by the authorities. He is due to appear in court in July on charge of inciting violence following the publication of an online video calling on the security forces to revolt. The period is also marked by the end of Ramadan. On this occasion, Cardinal Jean Zerbo called for the release of Soumaila Cissé as well as all the other hostages held by jihadists in Mali. Soumaila Cissé has been held for two months. In an interview for the journal Politique Internationale, French researcher Marc Antoine Pérouse de Montclos raised the subject of the Islamisation of politics in Mali with the controversial Iman Dicko.
In Burkina Faso, the period is marked by the first couter-terrorism joint intervention between the Ivorian and Burkinabe armed forces in Ivory Coast. This intervention bears witness to the possible extension of the jihadist threat to neighbouring countries. At the same time, Human Rights Watch (HRW) calls on the government to investigate extrajudicial executions carried out by security forces on Monday 11 May. All the victims are Fulani. Facing the outrage, President Roch Marc Kaboré has promised sanctions once the investigation is completed. The NGO recalls that extrajudicial executions risk fuelling community conflicts and warns of the parallel made between Fulani and terrorism. A study carried out by OXFAM and published on 25 May highlights the consequences of the Burkinabe conflict on women and stresses their role in the country's social cohesion.

 
 

L'info phare - source confessionnelle

 
 

Une islamisation du politique au Mali ?

Dans le dernier numéro de la revue Politique Internationale, le chercheur français Marc Antoine Pérouse de Montclos, auteur de l’ouvrage Une guerre perdue. La France au Sahel (2020), s’entretient avec le controversé Iman Dicko au sujet du rapport entre Islam et politique au Mali. Parmi les thèmes de l'entretien sont abordées les questions de l’état de droit et de la corruption, ou encore de l’éventualité d’un dialogue avec les djihadistes. L’iman aborde également son rôle passé de médiateur entre le gouvernement malien et les groupes djihadistes comme le MUJAO (Mouvement pour l’unicité du Jihad en Afrique de l’Ouest). Interrogé sur la nature de son mouvement politique, l’Iman Dicko affirme qu’il ne pense pas qu’il faille créer un parti islamique au Mali. Selon ses mots « Les maliens ont besoin d’abord et avant tout d’hommes convaincus et sincères capables d’améliorer la gouvernance du Mali, de lutter contre la corruption, de corriger les injustices et de rétablir l’état de droit. L’islamisation de la politique n’est pas nécessairement la solution : un cadi peut être aussi corrompu qu’un juge « laïque ». Ce sont les Hommes qui doivent agir. La corruption, c’est notre faute à tous. ».

An Islamisation of politics in Mali ?

In the latest issue of the review Politique Internationale, the French researcher Marc Antoine Pérouse de Montclos, author of the book Une guerre perdue. La France au Sahel (2020), talks to controversial Imam Dicko about the relationship between Islam and politics in Mali. Among the topics discussed are the rule of law and corruption, or the possibility of a dialogue with jihadists. The iman also discusses his past role as a mediator between the Malian government and jihadist groups such as the MOJWA (Movement for Oneness and Jihad in West Africa). Asked about the nature of his political movement, Iman Dicko said that he did not think it was necessary to create an Islamic party in Mali. In his words, "Malians need first and foremost convinced and sincere men capable of improving Mali's governance, fighting corruption, correcting injustices and re-establishing the rule of law. The Islamization of politics is not necessarily the solution : a cadi can be as corrupt as a "secular" judge. Men must act. Corruption is our fault."
 
 

Source médiatique

 
 

Remise en liberté de Clément Dembélé : leader du mouvement anti-corruption PCC

Le leader de la Plateforme contre la Corruption et le Chômage au Mali (PCC), Clément Dembélé, a été libéré le samedi 23 mai dernier. Celui-ci avait été mystérieusement arrêté le lundi 9 mai, sans que les autorités ne communiquent à ce sujet, alimentant ainsi les rumeurs et spéculations sur les raisons de son arrestation. Clément Dembélé est aujourd’hui inculpé pour incitation à la violence, suite à la publication d’une vidéo dans laquelle il appelait les forces de sécurité à se révolter contre le pouvoir. Il devra comparaitre le 1er juillet prochain. Son arrestation n’est donc pas officiellement liée à son activité de lutte contre la corruption, comme l’avancent certains de ses partisans. Clément Dembélé a longtemps mis en avant la corruption des élites comme l’un des facteurs essentiels de la crise au Mali et des conflits communautaires. Selon lui, la corruption, le clientélisme et le népotisme au sein des institutions seraient la cause d’une inefficacité généralisée de l’état malien, contribuant à délégitimer son action aux yeux d’une grande partie de la population.

Release of Clément Dembélé : leader of the anti-corruption movement PCC

The leader of the Platform against Corruption and Unemployment in Mali (PCC), Clément Dembélé, was released on Saturday 23 May. He had been mysteriously arrested on Monday 9 May, without any communication from the authorities, fuelling rumours and speculation about the reasons behind his arrest. Dembele is now charged with inciting violence after publishing a video in which he called on the security forces to revolt against the government. He is due to appear in court on the 1 July. His arrest is not officially linked to his anti-corruption activities, as some of his supporters say. Clément Dembélé has long considered elite’s corruption as one of the key factors in Mali's crisis and Mali’s community conflicts. According to him, corruption, clientelism and nepotism within institutions are the root causes of the Malian state’s inefficiency, contributing to delegitimizing its action in the eyes of a large part of the population.
 
 

Première opération antiterroriste conjointe entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso

Une opération antiterroriste a été menée pour la première fois conjointement entre la Côte d’Ivoire et le Burkina à Ferkessedougou, en Côte d’ivoire, ce dimanche 23 mai. Les deux états-majors ont annoncé que huit djihadistes présumés ont été tués et 38 suspects interpellés. Depuis un mois, des activités suspectes d’hommes traversant la frontière burkinabè avaient alerté les autorités. La présence de ces hommes témoigne pour certains d’une possible extension de la présence des radicaux dans les zones frontalières de pays jusque-là épargnés, comme la Côte d’ivoire, le Ghana, le Togo, ou encore le Bénin.


First joint counter-terrorism operation between Côte d'Ivoire and Burkina Faso


An anti-terrorist operation was carried out for the first time jointly by Ivory Coast  and Burkina Faso in Ferkessedougou, Ivory Coast, on Sunday 23 May. The two headquarters announced that eight suspected jihadists were killed and 38 suspects arrested. Suspicious activities by men crossing the border into Burkina Faso had previously alerted the authorities. For some, the presence of these men is a proof of a possible extension of radicals in the border areas of previously spared countries, such as Ivory Coast, Ghana, Togo and Benin.
 
 

Assassinat du chef du MOC de Gao

Jeudi 14 mai, le chef du Mécanisme Opérationnel de coordination (MOC) de Gao a été assassiné. Prévu par l’accord de paix d’Alger (2015), le MOC doit réunir des membres des groupes de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) et de la Plateforme ainsi que des militaires de l’armée régulière. Il est pensé comme une première étape aux processus de désarmement et de réconciliation. Cet assassinat intervient dans un contexte particulier, alors que la nouvelle armée malienne reconstituée est bloquée à Gao. L’accès à la ville de Kidal leur a été refusé par la CMA suite à la demande du mouvement de revoir la composition du bataillon et son commandement. Les raisons de son assassinat ne sont pas encore connues. Certains observateurs affirment qu’il pourrait être l’œuvre des groupes djihadistes cherchant à entraver la mise en œuvre de l’accord de paix et le processus de désarmement-démobilisation et réintégration (DDR).

Assassination of the head of the MOC of Gao

On Thursday the 14 May, the head of The Mécanisme Opérationnel de coordination (MOC) in Gao was assassinated. Part of the Alger Peace Accord (2015), the MOC is to bring together members of the CMA (Coordination of Azawad Movements) and Platform groups as well as regular army soldiers. It is seen as a first step in the disarmament and reconciliation process. This assassination takes place in a particular context, as the new reconstituted Malian army is blocked in Gao. This army was refused access to the town of Kidal by the CMA following the refusal of the movement's request to review the composition of the battalion and its command. The reasons for his assassination are not known yet. Some observers claim that it could be the work of jihadist groups seeking to hinder the implementation of the peace agreement and the disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) process.
 
 

Source confessionnelle 

 
 

Le cardinal Jean Zerbo, archevêque de Bamako, demande la libération de Soumaila Cissé à l’occasion du Ramadam et de la Pentecôte

Alors que Soumaila Cissé, principal opposant d’IBK, est toujours porté disparu depuis 2 mois, l’archevêque de Bamako, le Cardinal Jean Zerbo, a appelé à sa libération dans une lettre ouverte à ses ravisseurs le lundi 19 mai. L’appel du cardinal est motivé par le désir de rapprocher les maliens lors des fêtes religieuses : « Nous les supplions, au nom du Dieu Tout-Puissant, de prolonger et d’achever ces gestes en libérant l’honorable Soumaila lui-même. Ce geste marquera notre adhésion au Dieu de Miséricorde que nous adorons durant tout le mois béni du Carême. Puisse le cadeau, à l’occasion du Ramadan et de la venue du Saint-esprit à la Pentecôte que les chrétiens se préparent à célébrer, être la libération de notre frère Soumaila et de tous les autres otages et soulager leurs familles et tout notre pays ». Le Cardinal demande la libération de l’ensemble des otages, parmi lesquels la sœur Gloria Cecilia Narvaez, religieuse colombienne enlevée depuis 2017.

The Cardinal Jean Zerbo, Archbishop of Bamako, calls for the release of Soumaila Cissé on the occasion of Ramadan and Pentecost

While Soumaila Cissé, IBK's main opponent, has still been missing for 2 months, the archbishop of Bamako, Cardinal Jean Zerbo, called for his release in an open letter to his kidnappers on Monday 19 May. The cardinal's appeal was motivated by the desire to bring the Malians closer together during the religious holidays : "We beg them, in the name of Almighty God, to extend and complete these gestures by liberating the honourable Soumaila himself. This gesture will mark our adherence to the God of Mercy whom we adore throughout the blessed month of Lent. May the gift, for the Ramadan and the coming of the Holy Spirit at Pentecost that Christians are preparing to celebrate, be the liberation of our brother Soumaila and all the other hostages and bring relief to their families and our whole country". The Cardinal calls for the release of all the hostages, including Sister Gloria Cecilia Narvaez, a Colombian nun who was kidnapped in 2017.


 
 

Fin du Ramadan au Mali

Au Mali, le samedi 23 mai a été marqué par la fin du Ramadan, célébré durant l’Aid al-Fitr, qui marque la rupture du jeûne. Dans le contexte de la crise du Covid 19, le pays a fait pourtant figure d’exception. Les autorités n’ont pas décrété la fermeture des mosquées ni l’interdiction des prières collectives, comme cela a été le cas dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, comme la Mauritanie ou le Burkina Faso. Cette situation a été l’objet d’intenses polémiques sur la gestion de la crise par les autorités. Alors que certains annonçaient une accélération de l’épidémie à cause des rassemblements religieux, ces craintes ne semblent pas s’être confirmées au regard des chiffres annoncés par le gouvernement.

End of Ramadan in Mali

In Mali, Saturday 23 May was marked by the end of Ramadan, celebrated during Aid al-Fitr, which marks the end of fasting. During the Covid 19 crisis, the country was an exception. The authorities have neither decreed the closure of mosques nor imposed a ban on collective prayers, as it has been the case in other West African countries such as Mauritania and Burkina Faso. This situation has been the subject of intense controversies over the authorities' management of the crisis. While some people predicted an acceleration of the epidemic due to religious gatherings, these fears have not been confirmed based on the figures announced by the government.
 


 
 

Source société civile 

 
 

« Survivantes et héroïnes », un plaidoyer pour les femmes victimes du conflit au Burkina Faso

Une récente étude d’Oxfam s’attache à montrer l’impact du conflit sur les femmes et s’intéresse à leurs rôles dans le développement de la cohésion sociale et la construction de la paix. L’étude note que les femmes et les enfants constituent 84% des personnes déplacées. Parmi les éléments clefs, l’ONG observe un accroissement de viols lors des déplacements quotidiens effectués par les femmes dans les localités désertées par les forces de sécurité, une augmentation significative de la prostitution dans les zones de déplacement ou encore une déscolarisation massive des jeunes filles dans les zones rurales ou les radicaux sont présents. Au sujet du rôle des femmes dans la cohésion sociale, le rapport fait état de leur exclusion dans les sphères traditionnelles de médiation des conflits, toujours majoritairement dominées par les hommes. Cependant, les femmes réinvestissent d’autres sphères en s’engageant dans les associations, les organisations féministes ou les maisons de femmes.

"Survivors and Heroes", an advocacy for women victims of the conflict in Burkina Faso

A recent Oxfam study focuses on the impact of conflict on women and their roles in both developing social cohesion and building peace. The study notes that women and children make up 84% of displaced people. Among the key elements, the NGO observes an increase in rapes during the daily displacement of women in localities deserted by the security forces, a significant increase in prostitution in areas of displacement as well as a massive out-of-schooling of young girls in rural areas where radicals are present. With regard to the role of women in social cohesion, the report notes their exclusion from the traditional spheres of conflict mediation, which are still predominantly dominated by men. However, women are important in other spheres by becoming involved in associations, feminist organisations or women's houses.
 
 

Burkina Faso : Human Rights Watch (HRW) appelle à enquêter à propos d’exécutions extrajudiciaires concernant 12 détenus

L’organisation de plaidoyer Human Rights Watch (HRW) appelle les autorités à enquêter sur des allégations d’exécutions extrajudiciaires de 12 détenus par des gendarmes. Ces exécutions seraient survenues le 11 mai 2020, près de la ville de Fada N Gourma. Des suspects auraient trouvé la mort quelques heures après avoir été placés en garde vue suite à une opération antiterroriste. Tous sont des membres de l’ethnie peule. Le président, Roch Marc Christian Kaboré, a affirmé que des décisions seront prises « sans état d’âme » à l’issue de l’enquête. L’ONG rappelle que les exécutions extrajudiciaires effectuées dans le cadre de la lutte anti-terroriste sont contreproductives et participent à alimenter les rancunes communautaires.

Burkina Faso : Human Rights Watch (HRW) calls for investigation into extrajudicial executions of 12 prisoners

The advocacy organization Human Rights Watch (HRW) is calling on the authorities to investigate allegations of extrajudicial executions of 12 inmates held by gendarmes on Monday the 11th of may, near the town of Fada N Gourma. Suspects were reportedly killed one hour after being taken into custody, following a counter-terrorism operation. All are members of the Peule ethnic group. The president, Roch Marc Christian Kaboré, said that decisions will be taken "without any hesitation" at the end of the investigation. The NGO recalls that extrajudicial executions carried out for fighting terrorism are counterproductive and contribute to fuelling community hatred.
 
 
 
 
soutien veille RCA
 

Ce bulletin de veille est réalisé par l’Observatoire Pharos, observatoire du pluralisme des cultures et des religions, dans le cadre de sa mission d’étude de la situation du pluralisme au Sahel. Il rassemble des informations, analyses et déclarations qui ne reflètent pas systématiquement la perception de la situation par l’Observatoire Pharos, mais qui constituent des documents à intégrer dans l’analyse. Les destinataires, partenaires de l’Observatoire Pharos, sont invités à contribuer à la qualité de cette veille par le partage de toutes informations utiles et diffusables.

This newsletter is written by Pharos Observatory, an observatory of cultural and religious pluralism, as part of its assessment study of religious pluralism in Sahel. It gathers information, analyses and speeches which may not reflect Pharos Observatory's feeling about the situation, but which should be taken into account as part of the analysis. All recipients, who are Pharos Observatory partners, are encouraged to contribute to this Watch by sharing any information that is worthwhile and fit to print.

 
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