Inclusion des populations locales dans les réponses internationales / Attaques à Maiduguri / Droits humains au Niger ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏ ͏
 
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VEILLE PHAROS / SAHEL : Nigeria - Niger
18 décembre 2021
 
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L’actualité de ces deux dernières semaines a été marquée par la publication d’une analyse précise de la situation actuelle du Sahel par l’enseignant-chercheur Bakary Sambe, président du Timbuktu Institute. Selon lui, la situation dite de crise est multi-causale, et ne pourra être résolue que si les acteurs internationaux prennent en compte le ressenti des populations sahéliennes, afin de les intégrer aux différentes solutions proposées, ce qui n’est pour l’instant pas le cas.

Dans le reste de l’actualité, de nouveaux incidents sécuritaires se sont manifestés dans l’État de Borno au Nigeria, où le retour des réfugiés actuellement à Maiduguri est menacé par les attaques incessantes de Boko Haram. Par ailleurs, une partie de la population nigérienne s’engage contre la présence de troupes françaises dans leur pays, alors que la situation entre Barkhane et les civils s’est largement tendue ces dernières semaines. Enfin, Michelle Bachelet, la responsable de l’ONU pour les droits humains, a effectué une visite au Niger, où elle a tiré le signal d’alarme par rapport aux nombreuses violations de ces droits fondamentaux.


The news of the last two weeks has been marked by the publication of a precise analysis of the current situation in the Sahel by teacher-researcher BakarySambe, president of the Timbuktu Institute. According to him, the so-called crisis situation is multi-causal and can only be resolved if international actors take into account the feelings of Sahelian civilians, in order to integrate them into the various proposed solutions, which is not the case at the moment.

In other news, there have been new security incidents in Borno State in Nigeria, where the return of refugees currently in Maiduguri is threatened by the incessant attacks of Boko Haram. In addition, some of the Nigerien civilian population is against the presence of French troops in their country, while the situation between Barkhane and civilians has become very tense in recent weeks. Finally, Michelle Bachelet, the UN human rights chief, visited Niger, where she sounded the alarm about the numerous violations of these fundamental rights.

 
 

L'info phare - Source académique

 
 

Selon Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute, les perceptions des populations sahéliennes doivent être prises en compte dans les plans sécuritaires internationaux

Directeur du Timbuktu Institute, enseignant-chercheur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis du Sénégal et expert auprès des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Union africaine, Bakary Sambe a accordé une longue interview au journal Le Point en marge du Forum sur la paix et la sécurité à Dakar. Le chercheur a notamment évoqué le problème des « enfants-fantômes », les enfants qui n’ont pas d’état civil, ne pouvant donc accéder à aucun service des États comme la santé ou l’éducation. Selon Bakary Sambe, il y a un conflit entre la conception internationale et la perception locale dans la crise sahélienne. Il avance que les populations locales ne ressentent pas forcément la situation de la même manière que les acteurs internationaux, et peuvent percevoir la présence militaire étrangère et l’omniprésence des forces de l’ordre nationales comme un accroissement du sentiment de vivre en insécurité, qu’ils ne percevraient pas sans cette présence accrue. Selon Sambe, il y a urgence à prendre en compte le ressenti des populations locales dans l’élaboration des plans internationaux de sortie de crise.

According to Bakary Sambe, director of the Timbuktu Institute, the perceptions of Sahelian populations must be taken into account in international security plans

Director of the Timbuktu Institute, teacher-researcher at the Gaston-Berger University in Saint-Louis, Senegal, and expert to the United Nations, the European Union and the African Union, Bakary Sambe gave a long interview to the newspaper Le Point on the sidelines of the Forum on Peace and Security in Dakar. The researcher spoke in particular about the problem of "ghost children", children who have no civil status and therefore cannot access any state services such as health or education. According to Bakary Sambe, there is a conflict between the international conception and the local perception in the Sahelian crisis. He argues that local populations do not necessarily feel the situation in the same way as international actors, and may perceive the foreign military presence and the omnipresence of national law enforcement as increasing their sense of insecurity, which they would not perceive without this increased presence. According to Sambe, there is an urgent need to take into account the feelings of local populations in the development of international plans to end the crisis.

 
 

Sources médiatiques

 
 

Les attaques se multiplient autour de Maiduguri, limitant la perspective de retour des déplacés internes

Une série d’attaques est survenue dans les environs de Maiduguri, dans l’État du Borno. Le 4 décembre, des tirs de mortier ont touché une zone résidentielle en périphérie de la grande ville de la capitale de l’État nigérian en proie aux attaques fréquentes de Boko Haram. Le 2 décembre, sept militaires avaient perdu la vie à Rann (à proximité de la frontière camerounaise), à la suite de l'assaut de leur base par les djihadistes. Le 1er décembre, une autre attaque avait été signalée à Mallam Fatori, sur la frontière nigérienne cette fois. Ces incidents surviennent alors que le gouverneur de la région a ordonné la fermeture de tous les camps gérés par le gouvernement dans la ville de Maiduguri, dans l'espoir que les milliers de déplacés qui s'y entassent reprennent le chemin de leurs villages, même si leur sécurité n'y est pas assurée.

Attacks multiply around Maiduguri, limiting the prospect of IDPs returning

A series of attacks have occurred in the vicinity of Maiduguri, Borno State. On December 4, mortar fire hit a residential area on the outskirts of the capital city of the Nigerian state, which is subject to frequent attacks by Boko Haram. On December 2, seven soldiers were killed in Rann (near the Cameroon border), following an assault on their base by jihadists. On December 1, another attack was reported in Mallam Fatori, this time on the Niger border. These incidents come as the governor of the region has ordered the closure of all government-run camps in Maiduguri city, in the hope that the thousands of displaced people crowded into them will return to their villages, even if their safety is not assured.

 
 

Au Niger, une puissante vague de sentiment antifrançais fragilise Barkhane

L’engagement français au Sahel fait face à une hostilité de plus en plus visible, en particulier au Niger, comme en témoignent les violentes manifestations en marge du passage d’un convoi logistique de la force Barkhane au Burkina et au Niger, au début du mois de décembre. À Téra, dans l’ouest du Niger, des manifestants avaient bloqué un convoi militaire et caillassé les véhicules escortés par des forces de sécurité locales. Au moins trois civils étaient décédés dans ces incidents. Par ailleurs, les autorités nigériennes ont interdit une manifestation publique destinée à contester la présence française au Niger, invoquant un « risque de troubles à l’ordre public ». Selon plusieurs observateurs du conflit, c’est la première fois que la contestation de la présence française est aussi évidente.

In Niger, an important wave of anti-French sentiment undermines Barkhane

The French commitment in the Sahel is facing increasingly visible hostility, particularly in Niger, as evidenced by the violent demonstrations on the sidelines of the passage of a Barkhane force logistics convoy in Burkina and Niger in early December. In Tera, in western Niger, demonstrators blocked a military convoy and pelted the vehicles escorted by local security forces. At least three civilians died in these incidents. In addition, Nigerien authorities banned a public demonstration to protest the French presence in Niger, citing a "risk of public disorder. According to several observers of the conflict, this is the first time that the protest against the French presence is so obvious.

 
 

Le Niger et le Burkina Faso annoncent avoir tué une centaine de terroristes dans une opération commune à la frontière

Les forces armées du Burkina Faso et du Niger affirment avoir tué une centaine de « terroristes » au cours d’une opération commune menée du 25 novembre au 9 décembre, à la frontière entre ces deux pays. Selon le rapport communiqué par les états-majors des deux pays, cette opération a permis de « neutraliser une centaine de terroristes » et d’ «appréhender une vingtaine d’individus suspects ». Quatre militaires burkinabè ont été tués et deux bases djihadistes ont été démantelées à l’issue de cette opération menée entre les deux pays confrontés à des attaques récurrentes.

Niger and Burkina Faso announce that they have killed about 100 terrorists in a joint operation on the border

The armed forces of Burkina Faso and Niger claim to have killed about 100 "terrorists" during a joint operation conducted from November 25 to December 9 on the border between the two countries. According to the report released by the two countries' headquarters, this operation made it possible to "neutralize about a hundred terrorists" and "apprehend about twenty suspicious individuals". Four Burkinabe soldiers were killed and two jihadist bases were dismantled as a result of this operation between the two countries, which face recurrent attacks.

 
 

Les violents «cultists» sont plus que jamais actifs au Nigeria

Dans un long reportage de « Africa Eye » pour BBC Africa, deux journalistes présentent les résultats d’une enquête de deux ans menée sur Black Axe, une fraternité d’étudiants nigérians devenue un groupe mafieux. Symptomatiques d’une situation généralisée au Nigeria, les fraternités étudiantes appelées « cultits » sont organisées comme des groupes mafieux, violents, et mettant en danger les populations, en accointance avec des protecteurs politiques. Ces organisations dépassent les dizaines de milliers d’affiliés et sont à l’origine d’une grande partie des violences dans les milieux urbains majoritairement. Avec un recrutement de jeunes hommes généralement au chômage, ces organisations mafieuses s’affrontent, et sont à l’origine de centaines de meurtres chaque année.

Violent cultists are more active than ever in Nigeria

In a long report by "Africa Eye" for BBC Africa, two journalists present the results of a two-year investigation into Black Axe, a Nigerian student fraternity turned mafia group. Symptomatic of a generalized situation in Nigeria, the student fraternities called "cultits" are organized like mafia groups, violent, and endangering the civilian population, in collusion with political protectors. These organizations number in excess of tens of thousands of members and are responsible for much of the violence, mostly in urban areas. Recruiting young men who are generally unemployed, these mafia organizations clash and are responsible for hundreds of murders each year.


 
 

Source société civile

 
 

La caravane de la démocratie de «Tournons la page » au Niger dénonce les arrestations

Le 10 décembre, alors qu’ils participaient à une caravane de la démocratie, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'homme à Niamey, cinq membres du mouvement citoyen « Tournons la page » ont été arrêtés dans la capitale nigérienne. Marc Ona Essangui, le président du mouvement international, dénonce ces arrestations ainsi que l'attitude des autorités nigériennes. Cette manifestation de la société civile portait notamment contre la présence militaire française. Pour le coordinateur du collectif au Niger, Maïkoul Zodi, les autorités musèlent toutes les voix d'opposition.

The caravan of the democracy of "Turn the page" in Niger denounces the arrests

While participating in a caravan of democracy, on the occasion of the international day of human rights. On December 10 in Niamey, five members of the citizen movement "Turn the Page" were arrested in the Nigerien capital. Marc Ona Essangui, the president of the international movement, denounced these arrests as well as the attitude of the Nigerien authorities. This demonstration of the civil society was against the French military presence. For the coordinator of the collective in Niger, Maïkoul Zodi, the authorities muzzle all opposition voices.

 
 

Source institutionnelle

 
 

38 millions de personnes menacées par la faim en Afrique de l’Ouest et centrale

Selon un rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), 38 millions de personnes sont menacées par la faim en Afrique de l’Ouest et du centre. Il s’agit d’une augmentation de 24 % par rapport à 2020. Selon les estimations des agences onusiennes, plus de 13 000 personnes sont « près de la famine » dans le nord-ouest du Nigeria. La mauvaise saison des pluies a notamment conduit à de mauvaises récoltes et à un déficit de pâturages et d’eau pour le bétail. Par ailleurs, l’impact de la pandémie de COVID-19 ainsi que l’insécurité ont accru les risques alimentaires dans le pays.

38 million people threatened by hunger in West and Central Africa

According to a report by the Food and Agriculture Organization (FAO) and the United Nations World Food Programme (WFP), 38 million people are threatened by hunger in West and Central Africa. This is an increase of 24% compared to 2020. According to UN agency estimates, more than 13,000 people are "near starvation" in northwestern Nigeria. The poor rainy season has led to crop failure and a lack of pasture and water for livestock, and the impact of the COVID-19 pandemic and insecurity have increased food risks in the country.

 
 

La Haute-commissaire des Nations unies aux droits humains dresse un état des lieux sévère de la situation au Niger

À l’issue d’une visite de trois jours au Niger, la Haute-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a jugé impératif d’assurer la protection des civils contre les groupes armés non étatiques et les autres acteurs violents. Elle a notamment fait état d’exécutions sommaires, d’extorsions, d’enlèvements de garçons et de filles, de pillages, de destruction d'installations fournissant des biens et des services essentiels et d'autres violations et abus graves du droit international. Le Niger est classé 189e sur 189 pays selon l'indice de développement humain des Nations unies. Plus de 10 millions de personnes vivent dans une extrême pauvreté. Michelle Bachelet a également évoqué de grands défis comme le droit des femmes, les migrations et les changements climatiques.

UN High Commissioner for Human Rights paints a bleak picture of the situation in Niger

At the end of a three-day visit to Niger, UN High Commissioner for Human Rights Michelle Bachelet said it was imperative to ensure the protection of civilians from non-state armed groups and other violent actors. She reported summary executions, extortion, abduction of boys and girls, looting, destruction of facilities providing essential goods and services, and other serious violations and abuses of international law. Niger is ranked 189th out of 189 countries on the United Nations Human Development Index. More than 10 million people live in extreme poverty. Michelle Bachelet also mentioned major challenges such as women's rights, migration and climate change.

 
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soutien veille RCA
 

Ce bulletin de veille est réalisé par l’Observatoire Pharos, observatoire du pluralisme des cultures et des religions, dans le cadre de son projet d'action au Niger, Nigeria, Burkina Faso et Mali. Il rassemble des informations, analyses et déclarations qui ne reflètent pas systématiquement la perception de la situation par l’Observatoire Pharos, mais qui constituent des documents à intégrer dans l’analyse. Les destinataires, partenaires de l’Observatoire Pharos, sont invités à contribuer à la qualité de cette veille par le partage de toutes informations utiles et diffusables.

This newsletter is written by Pharos Observatory, an observatory of cultural and religious pluralism, as part of its project in Niger, Nigeria, Burkina Faso and Mali. It gathers information, analyses and speeches which may not reflect Pharos Observatory's feeling about the situation, but which should be taken into account as part of the analysis. All recipients, who are Pharos Observatory partners, are encouraged to contribute to this Watch by sharing any information that is worthwhile and fit to print.