L’agence d’information vietnamienne Vietnam News Agency a annoncé le 5 mars dernier la volonté du gouvernement de restreindre certains rituels et pratiques qualifiés d’« arriérés » et de « choquants », ainsi que de mettre en avant d’autres traits culturels « avantageux ».
Des rites jugés « arriérés »
Ce sont environ 8 000 fêtes populaires qui sont organisées chaque année au Vietnam, et ce particulièrement lors du printemps. Chacune présente ses propres caractéristiques et différentes activités ont lieu durant ces périodes spirituelles. Elles servent ainsi de transport aux cultures locales à travers le temps. L’agence d’information mentionne le « caractère combatif et parfois violent des festivités organisées », qui serait dû à l’objet des cultes visés : des héros révérés pour leurs combats contre les agresseurs étrangers. Ces rites « d’un autre âge » sont ici jugés comme « n’ayant plus leur place dans la société moderne » au nom de l’intégration mondiale et d’une poussée vers la modernité. Cependant, ce ne sont pas seulement les traditions de type sacrificiel qui sont visées, mais toute pratique pouvant être jugée comme néfaste par le ministère, telle la combustion des papiers votifs ayant déjà entraîné plusieurs incendies dans le pays. Afin de limiter les conséquences de cette coutume (gaspillages, détérioration de la qualité de l’air, etc.), le Comité central de l’Église bouddhique du Vietnam a demandé aux fidèles de l’abandonner.
Une volonté de soutenir certaines pratiques plus valorisantes
A l’inverse, le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme souhaite voir d’autres pratiques plus « avantageuses » être mises en avant. Les aspects culturels plus valorisants de certaines célébrations participeraient ainsi à améliorer l’image de la nation vietnamienne, à travers la sensibilisation du public à ces facettes gratifiantes de son patrimoine culturel. Le développement des médias de masse sur Internet comme moyen d’exposition d’un public de plus en plus large à ces pratiques est souligné par Ninh Thị Thu Hương, directrice du Département de la culture du ministère. Lê Như Tiến, vice-président de la Commission de la culture, de l’éducation, de la jeunesse, de l’adolescence et de l’enfance de l’Assemblée nationale, met aussi en avant la participation de dizaines de milliers de pèlerins à ces festivités (telles les fêtes de Gióng, de Núi Yên Tử, ou encore de la pagode des Parfums) pour justifier un besoin d’instauration d’un contrôle public autour de ces manifestations.
Une menace pour la conservation des valeurs et des cultures locales ?
Certaines pratiques ont déjà été abandonnées, ou tout du moins modifiées. C’est notamment le cas du rituel pris comme exemple par la Vietnam News Agency, celui du sacrifice de porcs du village de Ném Thượng dans la province de Bắc Ninh. Il faut noter les critiques de ce festival par les défenseurs des droits des animaux depuis plusieurs années, ainsi que la demande en 2015 par Hoàng Tuấn Anh (alors Ministre de la Culture, du Sport et du Tourisme) de modérer ses facettes les plus violentes. L’exposition d’un public n’étant pas nécessairement apte à appréhender la portée symbolique de ces événements traditionnels fait l’objet de préoccupations de la part du gouvernement, et la directrice du Département de la culture du ministère mentionne notamment la partie la plus jeune de ce public. Il apparaît alors nécessaire de prendre en compte, d’un côté l’importance de la transmission de la culture de génération en génération, et de l’autre les aspects choquants de certaines pratiques, à l’image du festival de Ném Thượng qui tout en étant le fruit d’une histoire de plus de 800 ans soulève de fortes inquiétudes quant aux droits des animaux et à son spectacle d’une violence non négligeable.
Image : By Animals Asia, CC BY-NC 2.0