Le rapport de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme du 17 janvier 2018 souligne les progrès à faire en matière de droits humains, et notamment à l’égard de la condition féminine. Cette enquête sur le terrain de l’organisme de partenariat entre la FIDH (Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme) et l’OMCT (Organisation Mondiale Contre la Torture) met ainsi l’accent sur « une double vulnérabilité féminine ».
Des violations des droits humains encore à l’œuvre
D’une part, le maintien du statut de « gardien masculin » perpétue l’inégalité entre les sexes et confère aux femmes un statut minoritaire. La circulaire royale du 18 avril 2017 a peu modifié ce régime de « tutelle ». En effet, les femmes doivent encore requérir l’autorisation d’un tuteur masculin pour voyager à l’étranger ou pour obtenir des documents d’état civil à l’instar du passeport. Plus problématique, au-delà d’ambigüités juridiques, les autorités publiques peuvent se montrer discriminantes, notamment dans le cadre d’affaires de violence domestique. D’autre part, l’environnement encore restrictif autour des problématiques des droits humains, avec la répression toujours existante d’opinions dissidente, limite la diffusion d’aspirations de réformes sociétales dans l’opinion publique.
Le royaume saoudien est connu pour sa réticence avérée, à l’instar d’autres pays de la Ligue Arabe, de la Chine et de la Russie, entres autres, à l’égard d’une conception universaliste des droits de l’Homme, porteuse de « l’hégémonie occidentale ». Des tentatives de « contrer » ces interférences « occidentales » ont été ainsi mises en place. La Charte arabe des droits de l’homme, entrée en vigueur le 15 mars 2008, en est l’archétype. Écrite en partenariat avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies, sa portée apparaît pour autant bien mince : la Charte ne prévoit ni de droit de recours individuel ni la création d’une Cour des droits de l’Homme. Seul un organe, la Commission arabe pour les droits humains, a été créé en 2009 pour veiller à l’application de ce texte.
Un climat propice à un meilleur respect des droits humains
Les violations des droits humains demeurent ainsi fréquentes mais un meilleur respect semble se profiler que les militants optimistes envisagent. En effet, en raison de la nécessité économique de mettre fin à la dépendance totale à l’égard du pétrole et des aspirations des jeunes – environ 70% de la population est âgée de moins de 30 ans – qui s’emparent d’une grande partie des médias sociaux, les autorités ont annoncé qu’elles feraient progressivement des concessions. Ainsi, lors d’une conférence internationale le 26 octobre 2017, le prince héritier Mohammed Ben Salman a provoqué la surprise générale en prônant un « islam tolérant et modéré ». Reste à savoir jusqu’à quel degré la population, encore profondément conservatrice, est prête à changer de mentalité. Profitant de ce courant de bonnes intentions, la journaliste Clarence Rodriguez plaide pour la libération du blogueur Raif Badawi, emprisonné depuis juin 2012.
Une amorce bien existante mais encore timide en faveur des droits des femmes
La condition féminine semble être également touchée par ces efforts de modernisation sociale. En 2014, le royaume était classé 130ème sur 142 selon le Gender Gap Index du Forum économique mondial de Genève, qui évalue les avancées en matière d’égalité des droits. Désormais, le droit de vote des femmes est effectif depuis 2015 suite à un décret du l’ancien monarque Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud en 2011. Les femmes ont pu ainsi voter et se présenter aux élections municipales de 2015. Elles ont également eu le droit de faire leur entrée au Majlis al-Choura, l’assemblée consultative du royaume depuis janvier 2013. Ainsi, au moins 17 femmes ont été élues à ces élections municipales. Dans la région de la Mecque, l’une d’elles, Salma ben Hizab al-Oteibi, a été élue lors de ce scrutin local.
Si elles demeurent une avancée décisive, les élections de 2015 ont toutefois montré l’émergence limitée des femmes dans les affaires publiques. Avec moins de 1 000 candidates, les femmes n’ont représenté qu’à peine 10 % des postulants aux conseils municipaux. En outre, parmi la douzaine de candidats non autorisés à se présenter, deux étaient des femmes activistes, dont une militante des droits humains. Dans le même esprit d’émancipation, l’octroi du droit de conduire pour les femmes, en juin 2018, semble préfigurer une série de réformes, dont la suppression de la tutelle et l’accès à l’ensemble des bâtiments publics. Celles-ci faciliteront de manière durable l’accès des femmes à l’ensemble de l’espace public, outre que les stades de football (autorisé depuis janvier 2018).
A charge désormais au royaume saoudien d’intégrer pleinement la question des droits humains dans son « défi de la modernité ».
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