Les crimes haineux perpétrés au Canada ont bondi de 5 % en 2015 (+ 17 % par rapport à 2013) selon l’agence fédérale Statistique Canada. Avec ces chiffres en hausse pour la deuxième année consécutive, la tendance semble se confirmer. Si les populations juives et noires restent les plus touchées, on observe une hausse du nombre d’infractions visant les communautés musulmanes, arabes et ouest-asiatiques.
Cette hausse est quasi généralisée (8/10 provinces). L’Alberta, l’Ontario ainsi que les trois régions métropoles les plus peuplées — Toronto, Montréal et Vancouver — sont de loin les plus concernées.
Qu’est-ce que sont les « crimes haineux » ?
Au sens de la loi canadienne, le motif de « crime haineux » est défini comme « une infraction criminelle motivée par la haine de la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, l’incapacité mentale ou physique, l’orientation sexuelle ou tout autre facteur similaire ». Le Code criminel du Canada prévoit « quatre infractions spécifiques qui sont considérées comme des crimes de haine, soit l’encouragement au génocide, l’incitation publique à la haine, la fomentation volontaire de la haine et le méfait envers les biens religieux. »
Haine contre « une certaine race ou l’origine ethnique »
Premier motif de crime haineux : la race ou l’origine ethnique (48% des cas relevés). Les communautés noires sont les plus touchées (17 % du nombre total de crimes haineux). Viennent ensuite les populations Arabes (7%) ainsi que les ressortissants de l’Asie de l’Ouest qui « ont subi une hausse importante d’infractions les visant » (+33 % par rapport à 2014 et +92 % par rapport à 2013).
Haine contre une religion
Rassemblant un total de 35 % de l’ensemble des crimes haineux, la haine d’une religion est le deuxième motif de crimes de haine au Canada. Les infractions perpétrées contre les musulmans (soit 159/469 cas en 2015) est en augmentation de 61 % par rapport à 2014. « La population juive est néanmoins demeurée la communauté religieuse plus durement touchée, alors que 13 % de l’ensemble des crimes haineux l’ont frappée — contre 12 % du côté des musulmans. »
Haine contre les LGBT
En léger fléchissement, les délits ciblant une orientation sexuelle ont représenté 11 % de l’ensemble des crimes haineux en 2015. Ils sont cependant « plus susceptibles d’être à caractère violent ». En effet, dans près de 6 cas sur 10, les victimes ont subit des blessures (contre 29 % des victimes de crimes liés à la race, et 12 % pour les victimes de crimes liés à la religion).
Des chiffres remis en question
Si ces tendances semblent être représentative de la situation canadienne concernant les crimes haineux, les chiffres doivent être saisis avec prudence.
Les chiffres publiés en 2017 concernent l’année 2015. Ce délai de publication important s’explique principalement par le fait que les autorités policières disposent de moyens et d’effectifs insuffisants pour former des unités spéciales et produire des rapports annuels. De plus, il n’y a, à ce jour, aucune obligation de transmettre les chiffres relatifs au crimes haineux aux différentes communautés concernées (exception faite à Statistique Canada). En conséquence, Statistique Canada précise que « le nombre de crimes haineux figurant dans la présente diffusion constitue probablement une sous-estimation du véritable nombre de crimes motivés par la haine au Canada, puisque ce ne sont pas tous les crimes qui sont signalés à la police ».
La porte-parole du Conseil canadien des femmes musulmanes (CCFM), Mme Amira Elghawaby, insiste, elle, sur le fait que « ces chiffres représentent les crimes haineux rapportés à la police que la police accepte de qualifier de crimes haineux. Or notre expérience démontre que ce n’est pas toujours clair ou évident, aux yeux de la police, qu’il s’agit d’un crime haineux ». Par ailleurs, les dénonciations de crimes haineux ne semblent pas toujours être pris au sérieux par les services de police. Pour Khalid Elgazzar, du Conseil national des musulmans canadiens (NCCM), ces chiffres ne représentent qu’« une fraction de ce qui se passe dans nos quartiers, nos lieux de travail, nos écoles et nos lieux de culte ».
Comment analyser cette poussée de crimes haineux ?
Que comprendre de cette situation ? Quelles en sont les causes ? L’analyse reste à faire… Des voix s’élèvent pour se mobiliser et briser un certain déni de réalité autour de ces crimes dont beaucoup de responsables sont de jeunes canadiens. Pour Chelby Daigle, auteure d’un récent rapport sur le racisme anti-noir à Ottawa, « nous devons prendre la responsabilité de cette situation. […] C’est natif d’ici. Ce n’est pas quelque chose dont on peut faire porter la responsabilité aux États-Unis. Cela est lié à notre propre rhétorique politique ».
Image : Say No to Hate Crime !, By Mike Gifford