JÉRUSALEM, UNE VILLE TROIS FOIS SAINTE
Jérusalem est sans nul doute une ville unique où histoire, politique et religions se croisent depuis des siècles. Considérée comme sacrée par les trois grandes religions monothéistes, elle porte plusieurs noms : Yeroushalayim pour les juifs, Orachalim pour les chrétiens orientaux (liturgie), Jérusalem pour les chrétiens latins et les occidentaux, Al-Qods pour les musulmans et les arabophones. Elle représente ainsi un carrefour civilisationnel, un centre de pèlerinage et un haut lieu de ferveur religieuse.
Jérusalem incarne à la fois un symbole de coexistence et d’unité, mais aussi le cœur de tensions profondes. Elle est le théâtre de fantasmes et de profondes divisions.
Jérusalem, cœur du Judaïsme
Pour le Judaïsme, Jérusalem est la ville la plus sacrée. Nombril du monde, elle est souvent mentionnée dans la Torah comme la « ville de David » et la demeure de Dieu sur Terre. Elle incarne à la fois la capitale politique antique et la capitale spirituelle du peuple juif.
D’après la tradition biblique, le roi David en fait la capitale de son royaume unifié vers la fin du XIe siècle av. J.-C. Son fils Salomon y fait construire le Premier Temple. Ce sanctuaire devient le centre du culte juif. Il accueille l’arche d’alliance, placée dans le « Saint des Saints », ainsi que les sacrifices rituels. C’est aussi le lieu de rassemblement des pèlerins lors de grandes fêtes juives : Pessah, Chavouot et Souccot.
En 586 av. J.-C, les Babyloniens , sous Nabuchodonosor II détruisent le temple et une partie de ville. Ils déportent ensuite l’élite juive de Jérusalem et de Judée à Babylone.
Vers 536 av. JC, sous la domination perse, les exilés juifs revenus de Babylone reconstruisent le temple sur les fondations du premier. Ce Second Temple atteint son apogée sous le roi Hérode, au Ier siècle av. J.-C. Mais en 70 après J.-C., les Romains le détruisent à nouveau.
Cette nouvelle destruction marque un tournant dans le judaïsme. De nombreuses pratiques religieuses doivent alors s’adapter. Aujourd’hui, le Kotel ou mur occidental (« mur des Lamentations » pour les chrétiens ou « al-Bouraq » pour les musulmans) est le seul vestige du Second Temple.
Lieu le plus sacré, les Juifs y viennent prier, réciter des psaumes et insérer des prières écrites dans les interstices des pierres. À la fin de Pessah ou du Yom Kippour, ils prononcent la phrase : « L’an prochain à Jérusalem ! ». Elle exprime leur attachement indéfectible à la ville sainte et son rôle central dans l’espérance juive.
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Pour en savoir plus sur le projet « Mille et un visages de Jérusalem », consultez notre page dédiée.
Jérusalem, berceau du Christianisme
Pour les chrétiens, Jérusalem est sacrée en raison des nombreux événements évangéliques qui s’y déroulent. Elle joue un rôle dans le christianisme primitif. Selon les Évangiles, Jésus-Christ s’y rend pour prêcher, enseigner et accomplir des miracles.
La ville est particulièrement associée aux derniers jours du Christ, de la Cène à sa résurrection en 33. Après sa mort, Jérusalem devient le berceau de la première communauté chrétienne. C’est aussi le point de départ de la diffusion de ses enseignements à travers la Méditerranée.
Dès les débuts, les pèlerinages vers Jérusalem et la Terre sainte se multiplient, bien que leur accessibilité et la localisation des Lieux Saints évoluent selon les époques. À partir du IVe siècle, de nombreux monastères et édifices chrétiens sont construits dans la région. Au cœur de la vieille ville, la Via Dolorosa, ou « Voie Douloureuse », retrace les étapes de la Passion. Elle mène à la basilique du Saint-Sépulcre. Ce lieu, parmi les plus saints du christianisme, abrite le tombeau présumé du Christ et le site de sa résurrection.
Aujourd’hui encore, différentes confessions chrétiennes détiennent et partagent des lieux saints, dans et hors des murs de la ville. Elles y accueillent des pèlerins du monde entier, notamment à Pâques.
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Jérusalem, troisième lieu saint de l’Islam
En Islam, Jérusalem est la troisième ville la plus sainte après La Mecque et Médine. Selon la tradition musulmane (Coran, 17-1), vers 620, le prophète Mohammed est transporté de La Mecque à Jérusalem lors du voyage nocturne (al-Isra) sur une monture ailée (al-Bouraq).
D’après une tradition plus récente, Mohammed attache sa monture au mur occidental. La mosquée al-Bouraq commémore cet événement. Depuis l’Esplanade du Temple, Mohammed serait monté au ciel (Mi’raj), accompagné par l’ange Gabriel (Jibrīl). Il y aurait rencontré les prophètes de l’Ancien et du Nouveau Testament et reçu l’ordre des cinq prières quotidiennes. Aux débuts de l’Islam, Jérusalem est d’ailleurs la première direction vers laquelle les fidèles prient (qibla), avant que La Mecque et la Kaaba ne la remplace.
L’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’Islam, est également appelée Haram al-Sharif (le Noble Sanctuaire). Elle est située sur le Mont du Temple. Ce site abrite deux édifices majeurs : la mosquée Al-Aqsa (« la plus éloignée ») en référence au voyage nocturne de Mohammed, et le Dôme du Rocher, d’où il serait monté au ciel. Construits au VIIe siècle, ces édifices marquent profondément la présence islamique à Jérusalem.
Le vendredi, les fidèles s’y rassemblent en grand nombre pour la prière. Par ailleurs, Jérusalem constitue une destination de pèlerinage importante, notamment pendant le Ramadan, bien que secondaire par rapport au hajj.
L’importance religieuse et spirituelle de Jérusalem, souvent instrumentalisée à des fins politiques, en a fait une ville convoitée. Elle est au cœur de nombreux conflits à travers l’histoire.
Aujourd’hui encore, elle demeure un point de tension majeur dans le conflit israélo-palestinien. Les deux peuples la revendiquent comme capitale. Cependant, malgré les tensions et les idées reçues, « Jérusalem n’a pas toujours été un champ de bataille » (V. Lemire). Elle peut, plus que jamais, incarner l’espoir d’une coexistence pacifique entre les différentes communautés et confessions.
(c) Madaule Zenyoji (1984)
Bibliographie succincte :
ENCEL Frédéric, Géopolitique de Jérusalem, Paris, Flammarion, 2008.
LEMIRE Vincent (dir), Jérusalem 1900, La Ville Sainte à l’âge des possibles, Paris, Armand Colin, 2013.
LEMIRE Vincent (dir), Jérusalem, histoire d’une ville monde, avec Katell Berthelot, Julien Loiseau et Yann Potin, Paris, Flammarion, 2016.
MAALOUF MONNEAU May, Jérusalem : Idées reçues sur une ville frontière, Paris, Le Cavalier Bleu, 2023.
MARAVAL Pierre, Lieux Saints et pèlerinages d’Orient, Histoire des origines à la conquête arabe, Paris, CERF, 2011.
NICAULT Catherine, Une histoire de Jérusalem, 1850-1967, Paris, CNRS Éditions, 2008.